Aujourd'hui, nous allons aborder la notion complexe et parfois controversée des rêves lucides, abordé dans le livre "La créativité onirique. Du rêve ordinaire au rêve lucide" de Patricia L. Garfield.
Voici ce qu'affirme le Pr Stephen Laberge, pionnier et grand spécialiste du rêve lucide :
"Il
y a un état de conscience dans lequel, tout être
humain,
peut vivre une expérience tout à fait
extraordinaire, une chose que l'on ne puisse imaginer,
j'entends
par là, de vivre en pleine lucidité un
rêve, tout
en dormant"
Un rêve lucide est un rêve durant lequel le rêveur a conscience d'être en train de rêver. L’utilisation de l’adjectif « lucide » en tant que synonyme de « conscient » a été introduite en 1867 par l'écrivain, sinologue et onirologue français Léon d'Hervey de Saint-Denys dans son ouvrage Les Rêves et les moyens de les diriger.
La plupart des rêves lucides ont lieu durant la phase de sommeil paradoxal. Ils peuvent survenir fortuitement ou résulter d'un apprentissage. Se savoir en train de rêver offre au rêveur la possibilité d'exercer un contrôle délibéré non seulement sur ses actions mais sur le contenu du rêve et sur son déroulement. La faculté de reconnaître l'état de rêve durant son sommeil est mentionnée dans les textes bouddhistes au VIIIe siècle après J.-C. En Occident, le rêve lucide a été étudié en laboratoire du sommeil dès la fin des années 1970.
Pendant très longtemps, on a pensé que le rêve était un univers mystérieux... Et encore moins incontrôlable. Pour autant, certaines techniques de Yoga Tibétain expliquaient que l'on pouvait contrôler ses rêves. Qu'il est possible d'acquérir une maîtrise totale pendant que l'on rêve.
Des recherches
scientifiques récentes menées à l'Université Stanford ont commencé à fournir
des preuves objectives à cette capacité.
Comprenez que chaque nuit, vous
rêvez toutes les phases de 90 minutes. C'est ce qu'on nomme la "phase
du sommeil paradoxal". Ce processus se produit depuis votre naissance et
continue jusqu'au dernier jour de votre existence. Vous passez en moyenne 5 ans
à rêver.
Phénomènes associés
Rêves prélucides
Ce terme a été introduit par Celia Green pour décrire certains rêves durant lesquels le sujet émet un doute sur la réalité de son environnement sans pour autant pleinement réaliser qu'il rêve.Rêves de faux-éveil
Dans un rêve de faux-éveil, le rêveur croit s'être réveillé pour de bon alors que seul un changement de décor onirique a eu lieu. Les rêves de faux-éveil ne sont pas lucides mais sont fréquemment rapportés dans la proximité de la lucidité onirique.Paralysie du sommeil
La paralysie du sommeil est une parasomnie qui se produit au moment de l’endormissement ou du réveil : le dormeur se sent paralysé, incapable de bouger, de parler ; il peut être également sujet à des hallucinations visuelles, auditives, tactiles ou kinesthésiques. Cet état est dû à l'intrusion du sommeil paradoxal lors d'une transition entre veille et sommeil et sans doute au fait que l'abolition du tonus musculaire qui accompagne le sommeil paradoxal est ressentie par le sujet.Expériences hors du corps
Certains rêves lucides se caractérisent par l'impression de sortir de son corps et d'observer l'environnement depuis une position distincte de ce dernier. Comparables aux « transes ecsomatiques » décrites en anthropologie, aux « expériences hors du corps » (Out of Body Experiences ou OBE en anglais) évoquées par la parapsychologie, de semblables expériences ont été rapportées par de nombreux chercheurs comme Green, McCreery, Tholey, Tart, LaBerge ou Bouchet. Plusieurs méthodes d'induction de la lucidité onirique sont orientées vers la production d'une telle sensation. La notion de « voyage astral », empruntée à la terminologie de la Société théosophique, est parfois utilisée pour décrire un tel phénomène.L'apparition de la lucidité
On classifie depuis Celia Green les rêves lucides en deux grands types selon le mode d'apparition de la lucidité : au cours du rêve même ou bien au moment de l'endormissement. Stephen LaBerge a introduit l'usage des acronymes DILD et WILD pour les distinguer : DILD (dream-initiated lucid dreams) s'applique à ceux où le sujet prend conscience de son état à l'intérieur d'un rêve en cours ; WILD (wake-initiated lucid dreams) à ceux où il pénètre consciemment dans un rêve depuis l'état de veille. Plus de 80 % des rêves lucides sont des DILD.Au cours du rêve
Lorsque la lucidité apparaît au cours d'un rêve, le rêveur a soudain l'impression de s'éveiller et il peut continuer de rêver tout en sachant qu'il rêve. Celia Green distingue quatre facteurs qui induisent cette reconnaissance de l'état de rêve : les tensions d'une situation cauchemardesque, les interrogations suscitées par un élément incongru ou irrationnel dans le contenu du rêve, le rappel d'une technique habituelle d'observation introspective ou encore la reconnaissance spontanée, sans raison apparente, du fait que l'expérience diffère de celles de l'état éveillé. Concernant le premier facteur, Bouchet remarque que, si les émotions violentes sont considérées comme une cause fréquente d'apparition de la lucidité, celle-ci peut tout aussi bien être provoquée par une émotion forte à connotation agréable. Il arrive enfin plus rarement que la lucidité onirique se manifeste de manière graduelle.Au moment de l'endormissement
Lorsque, suite à un endormissement conscient, la lucidité onirique constitue le prolongement de l'état de conscience éveillée, le sujet dispose de deux indicateurs pour savoir qu'il est passé de l'éveil au rêve : le sentiment de faire partie intégrante du rêve et la perte (ou la modification) des sensations corporelles. Afin de s'endormir consciemment, le sujet doit traverser l'état hypnagogique au cours duquel se manifestent soit de l'imagerie hypnagogique, soit des hallucinations auditives, soit encore des hallucinations kinesthésiques et cénesthésiques (sensation de flottement, de tournoiement, de chute, impressions de vibrations, d'engourdissement ou de paralysie, impression de sortir de son corps).Dans certains cas, la conscience de l'endormissement présente des fluctuations, parfois même des absences durant lesquelles le sujet ne garde aucun souvenir. On considère malgré cela qu'il s'agit d'un endormissement conscient car la perte temporaire de conscience se situe avant l'émergence du rêve.
L'expérience du rêve lucide
Le fait de se savoir rêver offre au rêveur la possibilité d'élargir son éventail d'options et d'aborder le contexte onirique avec une plus grande liberté d'action. Il peut non seulement exercer un contrôle sur lui-même et ses actes, mais aussi intervenir délibérément sur l'environnement, les personnages et le cours du rêve. Certaines actions se présentent avec une grande régularité, comme le rêve de vol ou de lévitation. D'autres expériences plus inhabituelles ont été signalées dans la littérature, comme les sorties hors du corps, les transformations en animaux et créatures fantastiques, le dédoublement de la vision, la vision panoramique à 360°, le ralentissement du temps et des expériences à caractère cosmique comme l'évolution dans un espace à quatre dimensions. Le rêveur peut aussi agir sur la durée du rêve en prenant la décision de le prolonger, et parfois même l'interrompre en se réveillant, en faisant un décompte par exemple, ou tout simplement par la pensée pour se réveiller instantanément, voire de le reprendre en se rendormant quelques secondes après.Bien que les seules limites théoriques soient celles de l'imagination, les croyances culturelles ou personnelles sur le rêve, les attentes conscientes ou préconscientes du rêveur, ses supputations sur le fait que telle chose soit possible ou non, en particulier l'influence exercée par d'autres récits, déterminent jusqu'à un point remarquable la forme que les rêves prennent ainsi que la capacité dont dispose le rêveur à les modifier.
De même, l'expérience du sujet, son degré de lucidité, c'est-à-dire le point jusqu’au-quel il est parvenu à conserver sa capacité de raisonnement, de jugement et de recul sur l'aspect illusoire de la situation et sur les émotions qu'elle engendre, influent sur le contenu et la tonalité de l'expérience. Quant à la perception, elle peut aller d'un état brouillé jusqu'à une impression de grande vivacité et de parfait réalisme. Ainsi différents critères de l'expérience, qui concernent aussi bien la conscience de soi que l'environnement onirique, sont susceptibles d'importantes variations d'un rêveur à l'autre, d'un rêve lucide sur l'autre, voire à l'intérieur du même rêve.
Applications
Apprentissage :
Ses résultats offrent une base théorique permettant d'expliquer l'effet d'un apprentissage moteur grâce à un entraînement en rêve lucide. Les études de Tholey ont ainsi montré qu'un sportif exercé pouvait reproduire sans difficulté en rêve lucide des mouvements complexes comme ceux du saut à ski ou de la gymnastique et que l'apprentissage en rêve lucide pouvait conduire à une amélioration de la pratique sportive
Développer votre créativité :
Le rêve est une source intarissable d'inventions et idées, notamment en matière artistique, le cerveau étant dans un état de pensée divergente. Les inventeurs ne s'y sont pas trompés. Ils puisent régulièrement dans leurs rêves des idées novatrices, des solutions à des problèmes ardus.
Avec le rêve lucide, vous pourrez trouver des idées inédites car, votre esprit pourra "explorer" les rêves créatifs en profondeur. Vous devenez l'acteur de votre recherche intérieure, comme un explorateur de l'infini.
Faire face à vos peurs :
Plusieurs pistes sur les applications psychologiques et thérapeutiques du rêve lucide ont été suggérées, comme le traitement des phobies ou du trouble de stress post-traumatique.
Dans un cadre inspiré de la psychanalyse jungienne et de la psychologie de la forme, le point le plus fréquemment investigué fut l'intégration des divers éléments de la psyché, supposés être représentés par les personnages rencontrés en rêve, à travers un comportement adéquat visant à gérer les situations désagréables.
Un premier modèle d'interaction avec les personnages fut proposé par Patricia Garfield. Dans cette méthode, dont elle attribua l'origine au peuple Senoi, les personnages hostiles doivent être systématiquement affrontés et éliminés. Tholey, qui compara l'efficacité de différentes attitudes, conclut qu'une démarche fondée sur le dialogue et la conciliation était plus susceptible d'amener une expérience positive, de permettre au rêveur de reconnaître la signification du rêve et de découvrir l'origine de ses conflits psychologiques. Tholey rapporte avoir amélioré dans un contexte thérapeutique la condition de patients souffrant d'anxiété, de manque de confiance en soi ou de difficultés d'adaptation sociale par ce qu'il décrit comme un « programme d'auto-guérison ».
Ces affirmations sont fondées sur des études de cas et n'ont pas fait l'objet d'études contrôlées.
Traitement des cauchemars :
En ce qui concerne le traitement des cauchemars, le rêve lucide semble avoir prouvé son efficacité. En plus des nombreux cas rapportés dans la littérature, une étude pilote a été conduite en 2006. Des séances d'une heure, durant lesquelles sont exposés les principes et techniques du rêve lucide ainsi que des exercices à faire durant la lucidité, ont permis de rendre les cauchemars moins angoissants et de réduire leur fréquence.
Il est aussi possible d'entrer consciemment dans un rêve lors des crises de paralysie du sommeil, ce qui contribue à les rendre moins stressantes
Créez votre propre voie de développement personnel :
En plus de ces applications, le rêve lucide est pratiqué pour l'exploration ludique des possibilités offertes par l'univers onirique, pour la satisfaction des désirs, pour le développement personnel ou pour une recherche d'ordre spirituel. Il peut être aussi utilisé dans un but artistique et créatif, afin de résoudre des problèmes ou comme « simulateur » pour des actions de la vie quotidienne. Plusieurs chercheurs ont en outre insisté sur son intérêt pratique dans le domaine de la philosophie et des sciences de la conscience.
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